Dans une tribune publiée dans Les Echos daté du 28 mai 2014, Laurent Berger expose sa vision de ce que doit être la croissance de demain.
Le PIB a quatre-vingts ans. C'est l'anniversaire d'un totem qui a fait du taux de croissance le thermomètre de la bonne santé de nos sociétés durant des décennies… S'en remettre à ce seul indicateur pour tracer un avenir de progrès est pour moi une impasse.
Les défis économiques, sociaux et environnementaux se cumulent sans trouver suffisamment de réponses. La tentation est grande, alors, de se tourner vers davantage de repli, comme l'ont montré les résultats des élections européennes. Face à cette situation, il est urgent de porter un regard nouveau sur notre mode de développement.
Les mutations en cours sont multiples et profondes. Dans cette nouvelle donne, vouloir bâtir de véritables stratégies économiques et sociales qui ne laissent personne au bord du chemin est-ce une chimère ? N'est-ce pas au contraire le moment de redéfinir les bases de notre cohésion sociale ?
D'abord, la croissance sera faible les prochaines années et ne pourra suffire à résoudre des difficultés comme le chômage, la progression des inégalités, les lacunes de compétitivité… Ensuite, le niveau de croissance n'est pas le gage de choix positifs et pérennes.
Notre enjeu collectif, c'est le contenu de la croissance, en refusant de réduire nos débats à l'unique approche chiffrée, comme s'il suffisait d'un peu de croissance pour que tout s'améliore…
Construire un avenir de progrès pour tous, c'est affirmer une économie au service de l'intérêt général. Il est temps que le processus de production de biens et de services se « réencastre » dans des objectifs et ambitions environnementaux, sociaux et sociétaux. Cela nécessite de concevoir le progrès au-delà des seuls indicateurs économiques et financiers.
Le progrès, c'est la qualité ! Pour tous, dans tous les domaines.
La qualité dans l'économie, c'est l'anticipation des évolutions, les investissements dans l'appareil productif, la recherche et l'innovation. C'est aussi la montée en gamme des produits et des services, la coopération, l'investissement socialement responsable, la prise en compte des opportunités et enjeux de la transition écologique. C'est la finance au service de l'économie réelle…
La qualité sociale doit aller de pair. C'est la formation des salariés, la reconnaissance des compétences et des évolutions de carrière. C'est la formation des jeunes et le développement de l'alternance, le recul des emplois précaires et du chômage, une vie au travail émancipatrice, une protection sociale accompagnant les transitions professionnelles.
La qualité dans la vie de chacun, c'est la possibilité de concilier vie privée, professionnelle et citoyenne. C'est un environnement préservé, des logements accessibles, des services publics pour pouvoir se déplacer, faire garder ses enfants, se soigner… C'est le rejet des discriminations et une autre répartition des richesses portée par une fiscalité plus juste. C'est la protection des plus fragiles, car il n'y a pas de qualité d'une société sans progression des plus fragiles !
Placer la qualité au coeur de nos défis est un enjeu démocratique. Il nécessite de redéfinir les grandes priorités qui font les équilibres d'une société et de permettre aux individus d'être davantage acteurs des choix de société. Cela se fera avec un renforcement de la représentation et de la place des citoyens, des salariés. Pour mobiliser à nouveau les énergies, il faut recréer des espaces de coopération, de confrontation et de construction des compromis au plus près des citoyens et des salariés.
Le syndicalisme doit se saisir de cette question. C'est ce que les équipes de la CFDT font dans les entreprises, jusqu'au niveau européen, en agissant en faveur des préoccupations des salariés. Ce débat sur la construction d'un avenir de qualité sera au coeur de notre congrès, du 2 au 6 juin.
Une croissance qualitative, raisonnée et maîtrisée, au service du progrès social et d'une société plus apaisée, davantage au service de l'humain… La CFDT est convaincue que c'est possible. Faisons-le !
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