Un employeur peut librement consulter, en dehors de la présence du salarié, les SMS contenus dans son téléphone professionnel, sauf s’ils ont été identifiés comme étant personnels. C’est ce qui ressort de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation qui, après avis de la chambre sociale, transpose aux SMS la jurisprudence applicable aux courriels et fichiers informatiques. Cass. Com. 10.02.15, n°13-14779.
Les faits
L’affaire débute lorsqu’une entreprise de courtage d’instruments financiers voit subitement 20 % de ses salariés quitter leur emploi. Face à ces départs, dont le (grand) nombre et la soudaineté peuvent légitimement paraître suspects, la société entame une enquête. Elle soupçonne en effet une entreprise concurrente d’avoir débauché son personnel. C’est ainsi qu’elle va être autorisée en justice à consulter les SMS contenus dans les téléphones portables professionnels de ces salariés. La société va s’appuyer sur ces SMS pour assigner la seconde société pour « concurrence déloyale ».
Considérant que la production de ces SMS est un procédé déloyal, l’entreprise concurrente réclame la rétractation de l’ordonnance de référé autorisant cette consultation. Face au rejet de sa demande par les juges du fond, elle forme un pourvoi devant la Cour de cassation.
Dans son arrêt du 10 février 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation donne raison à la cour d’appel en confirmant que « les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».
Les SMS, non identifiés comme personnels sont donc recevables comme mode de preuve.
Le principe : Les outils de travail sont présumés avoir un caractère professionnel
En l’espèce, l’entreprise concurrente conteste le caractère professionnel des SMS et va même jusqu’à assimiler leur consultation, à l’insu des salariés, à l’enregistrement d’une écoute téléphonique privée. En effet, les salariés ne s’étant jamais vu interdire l’utilisation de leur téléphone portable à des fins personnelles, les messages ont très bien pu être envoyés hors cadre professionnel, voire en dehors des heures de travail.
La cour d’appel, suivie par la Cour de cassation a pourtant écarté ces arguments. Pour elle, outre le fait que les messages n’ont pas été identifiés comme étant personnels, les salariés avaient connaissance de l’archivage automatique de ces textos (par une charte relative à l’utilisation des moyens de communication électronique). Relevant de l’activité professionnelle des salariés, les messages pouvaient donc faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et être produits en justice.
Les limites au pouvoir de contrôle de l’employeur : le respect de la vie privée
Pour autant le contrôle de l’employeur n’est pas sans limite. Le juge précise que l’employeur peut consulter les SMS contenus dans un téléphone professionnel sauf s’ils ont été identifiés ou marqués comme personnels. Dans ce cas, il ne pourra ni les lire en dehors de la présence du salarié, ni s'en servir dans le cadre d’une action en justice.
La société concurrente soulève à juste titre, qu’en pratique, il est difficile d’identifier un SMS dont le format ne prévoit pas de champ « objet » comme c’est le cas pour les courriels. Pour la Cour d’appel ce n’est pas un obstacle à l’identification des messages. Autrement dit, une simple mention du caractère personnel au début du message devrait suffire à écarter le caractère professionnel et donc à interdire à l’employeur de le lire hors la présence du salarié.
Cette décision devrait donc inciter les salariés à gérer avec prudence l’ensemble des outils de travail mis à leur disposition, notamment à privilégier l’utilisation de leur téléphone portable personnel pour l’envoi de messages privés.
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