Dans une longue interview au Républicain Lorrain du 9 mars 2013, Laurent Berger fait le point sur la situation sociale à l'approche du débat parlementaire sur la sécurisation de l'emploi. Le secrétaire général de la CFDT en profite pour (re)préciser sa conception du syndicalisme.
La CGT et FO dénoncent l’accord sur la sécurisation de l’emploi, signé par la CFDT, comme destructeur pour les droits des salariés. Votre réponse ?
C’est une posture. Je note que ces syndicats ne demandent pas le retrait du projet de loi. Cet accord est-il une régression pour les 4 millions de salariés à qui il va apporter une complémentaire santé payée par leur employeur ? Est-ce une régression pour les chômeurs qui vont retrouver du travail tout en conservant leurs droits aux indemnités en cas de retour au chômage ? Taxer les emplois précaires, est-ce une régression ? Le compte personnel de formation, ce n’est pas non plus une régression. Cet accord introduit beaucoup d’avancées, notamment en faveur des plus fragiles. Par exemple, fin 2015, tous les salariés à temps partiel travailleront 24 heures par semaine au minimum. Et, surtout, cet accord permettra d’anticiper en cas de difficultés dans les entreprises.
Y a-t-il deux sortes de syndicalisme en France ?
Il y a des syndicalistes qui mettent les mains dans le cambouis et d’autres qui demandent à l’État de faire à leur place. A la CFDT, nous avons fait le choix de l’emploi. Nous faisons notre travail. Le pays a besoin d’organisations patronales et syndicales fortes qui apportent des réponses.
Craignez-vous que la transcription législative de cet accord soit atténuée par des amendements ?
Le projet de loi qui a été présenté au conseil des ministres rejoint l’équilibre global de l’accord. Dans l’état, il nous convient. Les parlementaires peuvent vouloir préciser certains points mais l’équilibre global ne peut pas être remis en cause. Que les patrons et les syndicats se soient entendus pour un accord offensif, c’est nouveau dans le paysage français. Il ne s’agit donc pas de dénaturer cet accord par des amendements.
La situation sociale est très dégradée. Faut-il craindre un choc social ?
Les perspectives ne sont pas bonnes. Le climat social est lourd. Des adaptations sont nécessaires mais le gouvernement doit donner du sens pour la suite, ce qu’il peine à faire. On peut craindre une explosion, avec des actes violents, pas forcément dans le monde du travail. Je crains une montée du populisme. Notre rôle de syndicaliste, ce n’est pas seulement de dire que ça va mal mais d’apporter des solutions. Il faut trouver des pistes, aller plus loin et plus vite dans la lutte contre le chômage, la pauvreté et la précarité.
Êtes-vous favorable à une réforme de notre système de retraite ?
On sait qu’il y aura un problème de financement des retraites dès 2017. Soit on replâtre, soit on remet le système à plat pour réduire les inégalités, ce que nous appelons de nos vœux. Pour nous, la durée de cotisation compte plus que l’âge du départ en retraite.
Vous militez aussi pour une réforme de la politique familiale, c’est-à-dire ?
Nous plaidons pour la suppression du quotient familial, qui est un facteur d’inégalité, et pour la création d’une allocation forfaitaire par enfant, ce qui permettrait de rééquilibrer le système en faveur des plus modestes.
Êtes-vous pour ou contre l’amnistie sociale ?
Je suis d’abord contre la violence, même si elle peut parfois s’expliquer. La loi permettra de régler quelques situations individuelles, mais mon problème prioritaire reste la discrimination syndicale dont sont victimes de nombreux salariés.
Quelle est votre réaction au lendemain de l’échec des discussions sur les retraites complémentaires ?
La négociation n’a pas échoué, il y a une nouvelle séance de travail la semaine prochaine. Nous espérons qu’elle aboutira. Le patronat doit entendre nos propositions.
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