Dans une tribune publiée par Marianne, Laurent Berger revient sur les avancées pour les salariés obtenues par la CFDT dans l'accord sur la sécurisation de l'emploi.
Le lendemain de la décision de la CFDT de signer l’accord Sécurisation de l’emploi, j’ai qualifié ce texte d’ambitieux. Si la CFDT a décidé de le signer, aux côtés de deux autres syndicats et des trois organisations patronales, c’est d’abord parce qu’il apporte de nouveaux droits aux salariés et plus de sécurité dans leurs parcours professionnels. De plus, cet accord est structurant pour le marché du travail. Alors que notre pays traverse une crise extrêmement dure, c’est en soi un fait qui mérite d’être souligné.
Les acquis de cet accord sont conséquents. La complémentaire santé pour tous les salariés financée à 50 % par l’employeur était une revendication de la CFDT depuis longtemps. En 2016, ce sera une réalité. L’encadrement des temps partiels imposés permettra à de nombreux salariés, très majoritairement des femmes, de travailler plus longtemps et d’avoir des horaires mieux organisés. C’est un pas important pour sortir de la précarité. La création de droits rechargeables à l’assurance chômage va sécuriser la reprise d’emploi. La taxation des contrats de moins de trois mois était un des points durs de la négociation. Elle va inciter les entreprises à recourir à des contrats plus longs et plus uniquement à des contrats très courts par facilité. La meilleure information des représentants des salariés et leur présence, avec voix délibérative, dans les conseils d’administration amélioreront également la prise en compte de l’avis des salariés dans les entreprises.
Ces avancées sont substantielles et bien réelles.
La partie du texte sur les accords de maintien de l’emploi fait l’objet de critiques au motif qu’elle créerait de la flexibilité. C’est oublier que la flexibilité n’est pas à venir, elle est déjà très présente sur le marché du travail. On l’appelle précarité, chômage de longue durée, temps partiels imposés, CDD à répétition… Et les accords de maintien dans l’emploi existaient avant le 11 janvier ! Ils se faisaient de manière sauvage, sans contreparties pour les salariés, sans assurance de maintien de l’emploi et sans efforts des dirigeants des entreprises. Encadrer ces accords et les conditionner à la signature des syndicats majoritaires, c’est éviter les chantages à l’emploi et sécuriser les salariés dont l’entreprise traverse des difficultés. Désormais, l’employeur devra prouver que l’entreprise est en difficulté et les représentants des salariés pourront avoir recours à un expert. Aucun de ces garde-fous n’existait auparavant. Toutes les organisations syndicales ont déjà signé ce type d’accord. Fallait-il fermer les yeux sur cette réalité et laisser nos équipes respectives se débrouiller seules ?
Une chance pour notre pays
Rétablissons la vérité : cet accord ne signe pas la mort du CDI, il n’encourage pas le chantage à l’emploi, ni ne facilite les licenciements économiques. Tout cela est faux. Il faut sortir de la mythologie qui voudrait que les avancées sociales soient obtenues grâce aux syndicats qui s’opposent et les reculs de la faute de ceux qui s’engagent. La réalité est exactement inverse ! Les avancées sont bien à mettre au compte de ceux qui ont le courage de s’engager, et seulement ceux-là. Si tous les syndicats présents autour de la table étaient réellement entrés dans la négociation, le rapport de force et le dialogue social y auraient sûrement gagné.
Enfin, un des enseignements de cet accord, c’est que le dialogue social peut aboutir à des compromis positifs et ambitieux. Pour cela, il faut le laisser jouer pleinement son rôle, afin qu’il dépasse les affrontements et les désaccords pour construire un marché du travail renouvelé, plus protecteur des salariés, qui ne fait pas reposer la souplesse uniquement sur les plus précaires.
C’est cette approche nouvelle que la CFDT souhaite porter. Celle d’une véritable complémentarité entre la démocratie sociale et la démocratie politique, qui laisse davantage de place à la négociation et au compromis entre les partenaires sociaux dans les domaines qui les concernent. En ce sens, l’accord Sécurisation de l’emploi est une chance pour notre pays aussi. Saisissons-la !
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