lundi 11 février 2013

La dépréciation d'actifs pour les nuls


PSA a annoncé jeudi soir 4,7 milliards de dépréciations d'actifs, qui vont amputer d'autant les résultats du groupe. Un grand ménage comptable qui n'a pas vraiment fait réagir les marchés. Les explications de Pascal Quiry, professeur de finance à HEC.
Dans les grands groupes du CAC 40, la mode est aux dépréciations d'actifs en ce début d'année 2013. Jeudi soir, PSA a annoncé pour 4,7 milliards de dépréciations sur sa branche automobile. Un ajustement comptable considérable qui fait notamment écho aux 2,67 milliards d'euros d'écarts d'acquisitions annoncés la semaine dernière par le Crédit Agricole. Mais que représentent exactement ces dépréciations d'actifs? Et surtout en quoi cela pénalise les entreprises? Les réponses de Pascal Quiry, professeur de finance à HEC, banquier d'affaires, et co-auteur de la lettre Vernimmen.net.

La dépréciation d'actifs, c'est quoi exactement?
Prenons une hypothèse de travail: PSA va fermer son usine d'Aulnay-sous-Bois. Dans cette usine il y a un certain nombre de machines dont le groupe sait qu'il va devoir se défaire. Comme le marché est difficile, et que tous les constructeurs européens sont confrontés à des problèmes de capacités, on imagine que la revente ne se fera pas à bon prix. Si la machine valait 100 dans les comptes de l'entreprise, on va estimer qu'elle n'en vaut peut-être plus que 35, et une provision est alors passée pour 65.

Quelles sont les conséquences d'une telle dépréciation?
Mécaniquement, la dépréciation va pénaliser le montant des capitaux propres de l'entreprise, mais aussi ses résultats nets qui seront amputés d'autant. En Bourse en revanche, une dépréciation n'est pas forcément sanctionnée par les investisseurs si ces derniers n'y voient pas une information nouvelle. C'est pourquoi ce vendredi matin, le titre de PSA a très peu réagi, malgré les 4,7 milliards de dépréciations annoncés la veille.

Près de 5 milliards de pertes et le cours de Bourse de PSA est à peine touché? 
Non, en l'occurrence ce réajustement est le dernier maillon de la chaîne, une manière de solder ce qui a déjà été acté  depuis longtemps par les investisseurs. Dans cette hypothèse, le montant de la perte nette, même si elle est très élevée, et même si elle était inconnue, n'est pas de nature à impacter les résultats futurs de PSA. En clair, aux yeux de la Bourse, il s'agit d'un simple jeu d'écritures comptables, moins porteur de conséquences que les dernières ventes de la 208 par exemple. Attention, parfois une dépréciation comporte une information en tant que telle. Ce serait le cas si un laboratoire pharmaceutique était obligé de déprécier une acquisition d'un milliard d'euros parce que la molécule achetée se révèle dangereuse pour la santé. Si l'information est soudaine, elle sera très mal accueillie par les marchés.

PSA, Crédit Agricole, ArcelorMittal,... pourquoi les groupes sont si nombreux à déprécier leurs
actifs?
Après la crise de 2008, de nombreuses entreprises ont tardé à répercuter la baisse de valeur de leurs actifs dans leurs comptes. Elles espéraient sans doute que la crise serait passagère et que leurs actifs se réapprécieraient d'eux-mêmes une fois la tempête passée. A force d'attendre, on est arrivé à des situations où de plus en plus de groupes cotés affichaient des valeurs de marché inférieures à leurs actifs nets comptables. C'est pourquoi l'an dernier déjà, la lettre Vernimmen.net affirmait qu'il était temps pour de nombreuses entreprises de passer leurs comptes à la paille de fer.

La vague va-t-elle se poursuivre ?
Sans doute. Ne serait-ce que parce que certaines entreprises vont profiter des énormes dépréciations de PSA et de Crédit Agricole pour faire leur propre ménage interne. En termes d'image, il est toujours délicat d'afficher des pertes aussi conséquentes. D'où l'intérêt de le faire en même temps ou dans le sillage des autres...

La Tribune

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