Les salariés les plus fragilisés auront des droits nouveaux. Dans beaucoup de pays européens frappés par la crise, ces dispositions seraient saluées unanimement. Chez nous, les postures tactiques et conservatrices de tout bord nous font encore perdre du temps quand nous n'en avons déjà plus. Retrouvez ci-dessous la tribune de Laurent Berger publiée sur Slate.fr, le 30 avril 2013.
Les motifs d’inquiétude ne manquent pas: chômage record, précarité croissante, pauvreté en hausse, suppressions massives d’emplois... L’indignation générale est profonde parce que derrière ces mots ce sont des réalités quotidiennes douloureuses pour des millions de travailleurs et leurs familles. Mais cette indignation n’a de force que si elle est le moteur de l’action et de l’engagement!
Or le courage manque: trop souvent les politiques, les patrons ou les syndicats lui préfèrent le confort du commentaire et de la dénonciation. C'est une manière de taire leur propre absence d’idées et d’engagement. Pour chacun, l’immobilisme paraît moins risqué, mais il nous mène collectivement dans le mur.
Cette absence de courage a trop souvent pour paravent les appels au statu quo au nom d’un passé mythifié sinon le recours paresseux à la démagogie, quand ce n’est pas la désignation de boucs émissaires. Un tel aveu d’impuissance révèle l’ampleur de la crise de responsabilité et le manque de perspectives qui pénalisent la France.
Dans cet environnement délétère, certains font réellement face à l’urgence du présent et préparent l’avenir. Ce sont ceux qui refusent la fatalité et l’inertie en prenant le risque de s’engager. Trois exemples récents:
- Si le site Renault de Flins voit son avenir pérennisé grâce à la construction annoncée de la Nissan Micra, c’est que des organisations syndicales ont signé un accord de compétitivité avec la direction.
- Si 2.000 jeunes vont être embauchés dans le secteur des assurances dans les mois à venir, c’est parce qu’un accord sur les contrats de génération vient d’y être signé.
- Si l’usine Electrolux de Revin ne va pas fermer ses portes en 2014 comme le groupe le prévoyait, c’est grâce au combat de l’équipe CFDT du site soutenue par les pouvoirs publics qui a proposé des alternatives.
Parmi d'autres, ces exemples sont la démonstration que la résignation ne peut pas être de mise. Ils montrent que le dialogue social apporte des solutions profitables à l’emploi et aux salariés.
Faire du dialogue social un facteur de progrès, c'est ce qu’a voulu la CFDT en négociant âprement puis en signant l’accord sur la sécurisation de l’emploi.
Cet accord a été violemment attaqué. Ses détracteurs n’ont eu de cesse d’en distiller, par tous les moyens, une caricature honteuse pour mieux instrumentaliser les salariés, au risque de les diviser. Certains y ont même vu la cause de l’augmentation du chômage, alors que l’accord n’est pas encore transcrit dans la loi. Un tel dévoiement serait risible s’il ne témoignait pas d’un terrible conservatisme.
Nous n’avons pas à nous excuser de mettre les mains dans le cambouis, ce devrait être l’affaire de tous, pas seulement de quelques-uns.
La CFDT est fière d’avoir signé cet accord. Pour la première fois, le dialogue social s’est saisi de la sécurisation de l’emploi et s’est attaqué à la précarité, là où le code du travail, malgré ses multiples dispositions, n’avait pas pu empêcher la suppression massive des emplois, la dérive du travail précaire et le creusement des inégalités.
La loi en passe d’être votée au Parlement va rendre effectifs des droits nouveaux pour les salariés les plus fragilisés: complémentaire santé pour tous, encadrement des temps partiels imposés, plus grande sécurité pour les chômeurs qui retrouvent un emploi. Cet accord, c'est aussi une plus grande place accordée au dialogue social et à l’anticipation pour mieux maintenir l’emploi.
Dans beaucoup de pays européens frappés par la crise, ces dispositions seraient saluées unanimement. Chez nous, les postures tactiques et conservatrices de tout bord, qu’elles soient politiques, patronales ou syndicales, nous font encore perdre du temps quand nous n'en avons déjà plus.
Construire ensemble est un impératif. Cela n’efface ni les divergences d'intérêts, ni les rapports de force. Mais dans notre société bloquée, angoissée par l'avenir, montrons que le dialogue social est possible et améliore la vie des salariés. Les chantiers à mener sont nombreux.
A chacun de prendre ses responsabilités. Ne laissons pas d'espace aux thèses dangereuses des extrêmes. Donnons à voir un avenir meilleur. Vite, il y a urgence!
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