Contrat précaire, sauvegarde de l’emploi, accompagnement des chômeurs: le patron de la CFDT donne à 20 Minutes son appréciation de la crise en France, en marge du LH Forum organisé jeudi au Havre sur le thème de l’économie positive.
L’économie positive, c’est l’avenir?
La CFDT, depuis longtemps, fait du développement durable un de ses axes des transformations de l’économie, à savoir allier économie, social et environnement. Et on oublie trop souvent le second point. Notre rôle, c’est de remettre le social dans le jeu.
Les piques de Bernard Thibaut, de la CGT, à votre égard se multiplient depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Comment réagissez-vous?
Je n’ai pas envie à la veille d’une négociation d’envenimer les désaccords syndicaux. J’ai envie de dire: «Halte au feu. Calme-toi Bernard!»
A ce propos, dans quel état d’esprit abordez-vous la négociation paritaire sur la sécurisation de l’emploi?
Ce sera difficile car nous n’avons jamais réussi en France à obtenir un accord aussi vaste qui aborde les contrats précaires, la sauvegarde de l’emploi pour les entreprises en difficulté, et aussi l’accompagnement des personnes au chômage.
Justement, le gouvernement vous laisse jusqu’à mars pour parvenir à un accord avant de légiférer. Pensez-vous réussir en si peu de temps là où vous avez échoué depuis des années?
Le calendrier est réaliste. Nous négocions depuis déjà trois ans sur l’évolution des instances représentatives du personnel et sur le dialogue social dans les entreprises. A l’heure où les plans sociaux se multiplient, notre devoir est de donner le plus vite possible de nouveaux droits aux salariés.
Mais est-ce compatible avec la demande des entreprises d’accroître la flexibilité?
Mais nous avons déjà un système hyper-flexible en France. Entre 2008 et 2009, des centaines de milliers de salariés ont été exclus des entreprises sans licenciements via les fins de CDD et de contrats d’intérim. Les entreprises sur-utilisent déjà la flexibilité qui leur est accordée par le droit. Notre objectif est bien de la faire reculer. Le président de la République a parlé de négociations historiques, le patronat doit aussi se mettre à la hauteur de l’enjeu. Or, actuellement, les patrons font du chantage à l’égard des salariés en leur disant de remettre en cause une partie de leurs droits pour éviter les licenciements. A eux, à l'avenir, de démontrer l’utilité économique des restructurations et d’associer en contrepartie les salariés au partage des bénéfices quand l’entreprise va mieux.
Faut-il revenir à une autorisation administrative des licenciements?
Cela fait partie des sujets de discussion. A tout le moins, réfléchissons à une forme de validation administrative des licenciements collectifs.
Le plan PSA est-il acceptable en l’état?
Un expert, Secafi, a été désigné par le comité d’entreprise. Son rapport sera un outil déterminant pour engager un véritable rapport de forces sur la direction afin de limiter l’ampleur du plan social. A ce jour, donc, il n’est pas acceptable.
Ne se focalise-t-on pas trop sur PSA alors que dans le même temps des milliers d’emplois sont supprimés, notamment dans des petites entreprises?
Vous avez raison. En période de crise, les licenciements économiques représentent moins de 10% des nouveaux chômeurs. Or, aujourd’hui, 60% des entrées au chômage viennent de contrats précaires ou de jeunes sortant du système scolaire sans qualification. D’où l’importance de la négociation entre les partenaires sociaux pour mieux accompagner les personnes sans emploi. Pour revenir à PSA, n’oublions pas les sous-traitants. Un emploi dans un grand groupe en induit trois autres à l’extérieur.
Croyez-vous à une baisse du chômage d’ici un an, comme l’a affirmé dimanche François Hollande?
Je le souhaite, mais cela sera très, très difficile au vu des perspectives économiques de 2013. Si une croissance de 0,8%, comme l’anticipe le gouvernement, se confirme, une baisse du chômage à cet horizon est impossible. Les emplois d’avenir et les contrats de génération aideront, ils sont indispensables, mais cela ne suffira pas. C’est pour ça que l’objectif de 3% de réduction du déficit en 2013 serait peut-être à revoir.
A quel horizon?
La France doit le décider avec l’ensemble de ses partenaires européens afin de donner une souplesse collective qui pourrait aussi servir à l’Espagne, la Grèce ou encore à l’Italie. Mais avant, elle doit ratifier le pacte budgétaire signé en juin à Bruxelles, car la dette actuelle n’est pas supportable pour les générations à venir.
Propos recueillis par Mathieu Bruckmüller
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